Statut de la psychologie du sens commun

PHI-1635, Philosophie de lesprit, Université de Montréal, Hiver 2000

Pierre Poirier

Deux types de questions philosophiques (épistémologiques et ontologiques) se posent dès lors que nous acceptons la psychologie du sens commun et le concept desprit quelle contient. Nous traitons cette semaine des questions épistémologiques.

1. La nature théorique de la psychologie du sens commun

Léliminativisme fait bien ressortir le caractère théorique de notre psychologie du sens commun :

Le matérialisme éliminativiste est la thèse suivant laquelle notre conception populaire des phénomènes psychologiques constitue une théorie radicalement fausse, une théorie si déficiente que les principes et lontologie de cette théorie seront un jour remplacés, plutôt que réduits en douceur, par des neurosciences ayant atteint leur maturité (completed neuroscience). (Churchland 1981)
Ce passage résume bien les trois thèses principales de cette conception du statut de la psychologie du sens commun : Mais la psychologie du sens commun est-elle une théorie ? Sellars (1956) imagine une communauté humaine originelle ne disposant pas de la psychologie du sens commun et où le comportement est prédit sur une base purement comportementale. En sappuyant sur ce que lon sait des théories behavioristes, Sellars soutient quon peut penser que les membres de cette communauté ne réussiront pas prédire le comportements de leur prochain. Il imagine ensuite un théoricien de génie découvrant quil peut augmenter la valeur de ses prédictions en faisant deux hypothèses connexes : (1) ses congénères non seulement manifestent un comportement verbal public mais disposent en plus dun comportement verbal caché, interne, et (2) ses congénères se comportent comme sils appliquaient (inconsciemment) les principes du syllogisme pratique. Ces hypothèses de génie se seraient ensuite répandues pour constituer ce que nous appelons aujourdhui la psychologie du sens commun. Lhistoire de Sellars possède une certaine plausibilité sur le plan évolutionniste, mais ce qui importe plus que sa plausibilité cest que lhypothèse permet de résoudre trois problèmes difficiles de la philosophie de lesprit, soit Chacun de ces problèmes recevra une solution développée pour un problème connexe en sciences.

Ex. : Le problème de lesprit dautrui (solipsisme causé par ladoption dune position autophénoménologique). Nous navons jamais observé lesprit des autres mais nous navons jamais non plus observé le Big Bang. Nous sommes néanmoins justifiés de croire au Big Bang par ce que lon nomme une " inférence à la meilleure explication " : notre meilleure théorie cosmologique présuppose lexistence dun Big Bang, alors, aussi longtemps que cette théorie conservera ce statut, nous sommes justifiés de croire en lexistence du Big Bang. Par parité de raisonnement, nous sommes justifiés de croire que les autres possèdent un esprit tant et aussi longtemps que notre meilleure théorie psychologique populaire présuppose lexistence chez autrui de croyances, de désirs, de rationalité, de conscience et dintentionnalité.

Cette solution au problème de lesprit dautrui présuppose que notre psychologie du sens commun constitue bel et bien notre meilleure théorie psychologique. Mais quelles raisons avons-nous de croire cela ? Léliminativiste croit que nous nen avons pas, le réaliste croit le contraire. Lequel des deux a raison ? Pour répondre, il faut traiter deux questions :

Nous venons dexpliquer pourquoi certains philosophes optent pour lhypothèse voulant que la psychologie du sens commun soit une théorie. Voyons maintenant quelques objections :

           1. Caractère normatif de notre psychologie populaire.

          2. Apprentissage impossible de la théorie :
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